Sur la politique apolitique: deux veilleurs

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À propos de:

Éric VOEGELIN

Hitler et les Allemands (The German University and the

Order of German Society: A Reconsideration of Nazi Era, 1990 & Hitler and the Germans, 1999), trad. Mira Köller et Dominique Séglard, éd. du Seuil 2003 (cité ici sous H).

Günther ANDERS

L’obsolescence de l’homme (Die Antiquiertheit des Menschen, 1956), trad. Christophe David, éd. de l’Encyclopédie des nuisances/Ivrea 2002 (cité ici sous O)

La menace nucléaire (Die atomare Drohung, 1981), trad. Christophe David, éd. du Rocher/Le serpent à plumes 2006 (cité ici sous M).

Nous, fils d’Eichmann (Wir Eichmannsöhne 1988); trad. Sabine Cornille et Philippe Ivernel, éd. Payot & Rivages 2003 (cité ici sous N)

Sur la politique apolitique:

deux veilleurs

Depuis que leurs allures s’affichent “mondiales” ou “globales”, nos habitudes jadis appelées politiques souffrent d’une certaine dépolitisation. Nations Unies ou Grandes Puissances, Marché, État, Travail, Climat, Matières Premières, Spéculation: nous voici sommés de compter avec ces “nécessités historiques” réputées commander partout, en haut et en bas, de loin comme de près. Choix, décision, responsabilité et délibération, action même ne sont plus de mise: dépolitisation est le mot qui convient, si politique est écoute et parole, entente à peu près partagée au travers d’institutions faites justement pour ça, la lente mais persistante reconnaissance de ce que nous voulons, la correspondance entre nous.

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Quatrième chapitre

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À

LA SANTÉ

DE

L’OPINION

Quatrième chapitre

Les ressources de l’opinion: la santé retrouvée

nec te pœniteat pecoris, divine poeta.

Virgile

Si vous les nourrissez de pierre au lieu de pain, les jeunes gens se révolteront, même s’ils confondent dans leur révolte le boulanger avec celui qui leur lance des pierres.

Karl Popper

Loin de l’aristocratisme lisse ou hautain, mâtiné d’hermétisme, avec lequel une image maladroite le confond trop souvent, Musil brûlait d’un amour pour le peuple dont il cherchait la force à hauteur du nombre. Il se voit anarchiste conservateur: lui qui voit tant les dégâts de la démocratie (situation de l’art, presse et pacifisme) sait qu’il s’agit de la rendre plus et non moins intense. Ainsi écrit-il1 : le nombre des grandes réalisations est en proportion de celui des moyennes; le génie, en effet, ne produit jamais du nouveau, mais toujours, simplement, du différent, et ce sont les talents moyens qui lui donnent la possibilité de se condenser en œuvres. Il n’y a donc nul abîme entre l’opinion et le savoir, mais seulement des relations objectives encore si mal élucidées qu’on n’a même pas de nom pour désigner leur domaine. Ce dont il s’agit, ce n’est rien de moins que tout ce qui requiert notre vie intérieure; tout le religieux et le politique au sens le plus large, tout l’artistique et tout l’humain – hors de ce qui est purement national ou pur arbitraire de la croyance et du sentiment – s’y trouve inclus2 .

Une telle opinion presque sans nom (le monde, l’atmosphère ordinaire, l’opinion de la vie, écrit Musil ailleurs3 ), hors du piège abêtissant de la croyance et du sentiment, c’est ce que nous avons cherché dans les saillies de notre actualité. Mais l’argument principal de la bêtise, ajoutait Musil, est dans l’insuffisance de tous les anges philosophiques4: c’est à cette supposée insuffisance qu’il faut demander des comptes.

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Dire qu’il faut tout nous répéter dix fois !

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À propos de : Robert MUSIL, Journaux, tome II; traduction établie et présentée par Philippe Jaccottet d’après l’édition allemande d’Adolf Frisé ; éd. du Seuil 1981.

Dire qu’il faut tout nous répéter dix fois !1

Dix… vingt… et même cent? Vingt-cinq années après cette publication prenons l’occasion aux cheveux, puisque les décennies qui nous écartent de Musil nous rapprochent là-dessus. Son exclamation désolée prend aujourd’hui des allures d’évidence insupportable2. Clamé encore ici ou là, le “Plus jamais ça!” est-il autre chose qu’un nœud de langue de bois?

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